Depuis que je suis toute petite je pleure . Tout le temps, tous les jours, presque je crois . Pour un rien, ou pour un tout, justement . Quand je suis triste, émue, énervée, humiliée, en colère, touchée, fatiguée .... Je déborde .
Quand j'étais petite je me rappelle, c'était le grand jeu de mon frère, à la fin du film ou à la séquence " émotion ", il attendait impatiemment que les larmes me viennent ; moi, honteuse, j'étais totalement incapable de les retenir, ces larmes qui auraient du être discrètes et douces se transformaient rapidement en un torrent de rage .
Enfant, je me rassurais en me disant qu'avec l'âge " ça " passerait . Que l'adolescence ferait son boulot, que j'allais m'endurcir, que je finirais bien par devenir comme les autres, normale .
Et puis le temps est passé . Je me rappelle du mariage d'une amie qui m'avait demandée de lire un texte, téméraire j'avais choisi une chanson d'amour d'Edith Piaf, à la 2eme phrase j'ai senti le raz de marée monter de mes entrailles, je me rappelle avoir regardé dans l'assemblée, cherché désespérement de la force dans les yeux de mon chéri, du courage dans ceux de la mariée . Je suis allée au bout du texte, difficilement, des sanglots dans la voix, les yeux rougis, le nez coulant et trempée de sueur froide . Exténuée . Un désatre . Plus jamais je n'ai réitéré l'experience .
Je pensais qu'une fois adulte ( c'est quand l'âge de raison ? ) forcément " ça " disparaitrait . Que mes yeux ne se mettraient plus à couler en voyant quelqu'un attablé, seul, au restaurant, ou sur une plage bondée, parce que la foule applaudit le soleil qui se couche, ou que, regardant, avec ma petite fleur de printemps, le magicien d'Oz je ne peux pas m'empecher de pleurer quand Dorothy dit adieu à l'homme de paille pour retourner auprés de ceux qu'elle aime, alors que je suis capable de vous réciter les dialogues du film .
Je pensais qu'une fois maman, je saurais me controler, quand je regarde mes filles, un détail me saute aux yeux, un sourire, une boucle de cheveux, une façon de tenir un biscuit avant de le croquer . Mais non .
Samedi matin, dans le métro, sur le quai d'en face, un garçon jouait de la guitare et chantonnait ; je me suis approchée de lui, j'aurai voulu traverser, ses doigts et sa voix, tant de grâce tout d'un coup dans cet endroit, le silence s'est presque fait, j'ai été submergée, j'aurai voulu l'applaudir et l'acclamer avant qu'il ne monte dans la rame mais je l'ai laissé filer, les joues toute mouillées .
J'ai grandi . Jamais je ne pourrai regarder un film avec Robin Williams sans verser de grosses larmes . Jamais je ne pourrai assister à un mariage sans pleurnicher, c'est comme ça .
Je suis comme un funambule avançant petit à petit sur une grosse corde sensible, les lunettes de soleil sur le bout du nez . En déséquilibre .
Peut-être, un jour, quand je serai vieille ...